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Alexandra Stréliski // Sur une note personnelle


Entrevue // Magazine Le Juliette

2024-02-15

— Par Marie Eve Archambault

L’année 2024 part en flèche pour Alexandra Stréliski : deux Places des Arts, un Grand Théâtre de Québec et un spectacle à Toronto avant de s’envoler vers l’Europe et les États-Unis. Elle se déposera ensuite au Québec afin de poursuivre sa tournée Néo-Romance.

Néo-Romance : composer dans le bonheur


Un an s’est maintenant écoulé depuis la sortie de son troisième album. Composé en Europe pendant la pandémie, Néo-Romance se veut un hommage aux compositeurs romantiques. En réflexion sur l’amour et sur le fait qu’il faut garder le cœur ouvert, la musicienne de renom s’est intéressée à la brèche de lumière entre une période trouble et celle d’un profond bonheur. « Je trouve que c’est un moment de grande vulnérabilité, explique la gagnante des prix Artiste féminine de l’année et Artiste de l’année – Rayonnement international au dernier gala de l’ADISQ. Quand tout shake, il y a place à la reconstruction. Il y a tellement de choses possibles que l’on peut exprimer avec des notes et qu’on ne peut exprimer avec des mots. »

Pour ce nouvel opus, la compositrice a voulu s’imprégner de l’histoire de sa famille, particulièrement celle de son paternel, descendant d’une lignée de musiciens. Pour rendre hommage aux violonistes, violoncellistes et chefs d’orchestre de sa famille, Stréliski a voulu, pour la première fois, intégrer un trio à cordes qui ajoute une nouvelle dimension à son œuvre.

Se laisser porter par Alexandra Stréliski


Le processus créatif d’Alexandra Stréliski repose sur l’improvisation alors que tout ce qui l’entoure l’inspire. Quel que soit le temps qu’elle met dans ses élans créatifs, sa volonté première est d’offrir à l’auditeur une œuvre complète empreinte d’émotions et une trame narrative qui progresse bien. « J’aime qu’il y ait un fil conducteur d’écoute comme un film où tu commences quelque part et ça t’amène ailleurs, raconte la pianiste au style musical sensible et évocateur. Je suis celle qui écoute un album à l’inverse d’écouter des chansons dans une playlist sur random. Pour moi, c’est important qu’on vive l’album de A à Z tout le temps. » Pour ceux et celles voulant vivre l’expérience la plus totale, la pianiste a d’ailleurs sorti une version étendue de Néo-Romance où se trouvent les pièces « Prelude in Lodz » et « Umbra », composition qui clôt d’ailleurs chacun de ses spectacles.

Malgré qu’elle doive jongler entre les compositions de ses trois albums sur scène, l’artiste établie a opté, lors de la construction de son spectacle, pour un décloisonnement de l’univers néoclassique en voyageant à travers différents tableaux scénographiques inspirés des grands courants de l’histoire de l’art. « J’ai tendance à créer une courbe narrative où il y a du mystère, une ouverture… Il y a des moments plus sombres et, lorsque c’est plus sombre, je veux revenir avec quelque chose de plus paisible. J’essaie de proposer un long voyage dans la courbe des émotions. »

Les spectateurs auront droit en septembre prochain à une Alexandra Stréliski plus assumée tant sur le plan personnel que professionnel. « Je pense qu’avec l’âge, on apprend à assumer qui on est, à assumer nos émotions, à moins se soucier du regard des autres », explique-t-elle. Je craignais aussi la tristesse, mais je réalise qu’elle fait partie de la vie. Au contraire, il faut y aller à fond. C’est quelque chose de thérapeutique qui fait du bien et dont on a besoin. » Alors, pourquoi ne pas sauter à pieds joints dans l’expérience que Stréliski nous propose?


Phénomène Stréliski : Au-delà des mélodies

— Par Marie Eve Archambault

Au Québec, force est de constater que l’appréciation de la musique classique et instrumentale n’est pas au même niveau que celui de nos voisins français. Pour percer au Québec, il faut donc redoubler d’ardeur. Alexandra Stréliski est l’une de ces artistes qui défrichent le chemin afin de populariser ce genre musical. Depuis quelques années, la musique classique n’a jamais été autant populaire. Selon elle, c’est en remportant des prix gagnés habituellement par des chanteurs au gala de l’ADISQ qu’elle a le sentiment d’ouvrir la porte des possibilités à tous ces jeunes compositeurs qui rêvent, un jour, de suivre ses pas.

Le cœur : le vrai véhicule de la transmission


Lorsqu’on lui parle d’Inscape, sorti en 2018, elle demeure abasourdie des 140 000 copies vendues alors qu’elle pensait en vendre tout au plus 3000. « Ma carrière a pris une ampleur beaucoup plus grande que ce à quoi j’aurais pensé, mais je tiens à ce que les gens aient accès à ma musique. » Elle a d’ailleurs mis des tutoriels sur Internet afin que tous ceux qui le désirent puissent reprendre ses compositions. « Je pense que c’est la chose que j’aime le plus en tant qu’artiste; voir d’autres gens jouer ma musique. Je trouve magnifique que ma musique devienne la leur. C’est un beau transfert », explique celle qui a vendu plus de 50 000 billets pour sa tournée Néo-Romance.

Mais le phénomène Stréliski va au-delà de la musique. Bien qu’on la voie plus grande que nature en raison de sa notoriété grandissante tant à l’international qu’au Québec, elle ne demeure pas moins sincère et authentique. Lorsqu’on la sonde sur sa recette, elle répond : « Je reste tout le temps dans l’innocence et la naïveté. Je pense que ça m’aide parce que je n’ai pas une préconception des choses. J’oublie en permanence que les gens peuvent me reconnaître dans la rue », dit-elle en rigolant.

La force de l’humour


La connexion qui unit la compositrice à son public est importante pour elle. Afin de créer des ponts entre le spectateur et elle, Alexandra Stréliski a décidé d’utiliser l’humour comme ponctuation. « Ma musique est triste, mais j’ai toujours été le petit clown de ma famille. C’est tout cela qui fait partie de ma proposition. Je pense que c’est bien de créer des petites cassures à l’intérieur. » Cette manœuvre plaît assurément au public québécois qu’elle qualifie de bon vivant. Son bonheur d’être à la « maison » et son humour invitent même certains néophytes à se lancer dans l’expérience d’un spectacle de musique classique! Sachant très bien que le bagage avec la musique classique est différent, Stréliski adopte sensiblement la même approche outre-mer afin de ne pas dénaturer la personne qu’elle est. « Je fais des blagues en Europe aussi parce que j’aime ça décoincer le setting, mais ça les choque plus de voir une pianiste qui se met à parler et qui fait des blagues entre les pièces », raconte-t-elle.

Qu’elle plaise ou non, Alexandra Stréliski est très satisfaite du chemin qu’elle a parcouru. « J’avoue que je travaille beaucoup. En même temps, mon travail m’amène à voyager, à vivre des expériences, c’est vraiment le plus beau travail du monde. Si je meurs demain, je pourrai dire que j’aurai vu ben de belles choses dans ma vie. » Son chemin, comportant quelques arrêts au Canada anglais, aux États-Unis et en Europe, passera à l’automne prochain par Saint-Hyacinthe.

Alexandra Stréliski sera de passage au Centre des arts Juliette-Lassonde du 12 au 14 septembre 2024. Cliquez ici pour vous procurer des billets. 

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