-Par Jeanne Esquilat
Manikanetish raconte la vie d’une jeune enseignante innue de 24 ans. Fraîchement diplômée, elle retourne dans sa communauté natale, Uashat mak Maliotenam, après l’avoir quittée pour enseigner le français aux jeunes. Cette pièce est basée sur la vie de Naomi Fontaine, auteure du roman du même nom paru aux éditions Mémoire d’encrier en 2017. Cette production du Théâtre Jean-Duceppe, présentée au printemps dernier, partira officiellement en tournée à travers le Québec dès janvier 2024.
Dès sa lecture du roman, l’équipe de Duceppe a su que celui-ci devrait impérativement être adapté au théâtre. C’est donc en collaboration avec Julie-Anne Ranger-Beauregard, rédactrice et scénariste, que Fontaine a accepté de produire une adaptation de ses écrits. À travers le projet, il a toujours été primordial que le message qu’elle souhaitait transmettre soit aussi présent et clair qu’à la lecture du roman. Elle souhaitait avant tout partager la richesse de ses expériences de vie avec les jeunes, en espérant qu’un maximum de personnes puissent se reconnaître dans ces personnages. « C’est fou de voir ce qu’on a vécu, ce qu’on a imaginé, prendre vie comme ça, devant soi », a confié Naomi Fontaine en entrevue.
L’auteure a été particulièrement touchée lorsqu’elle a assisté pour la première fois à une répétition. Selon elle, le choix des acteurs a été fait de façon impeccable, les personnages lui semblaient parfaitement incarnés. La distribution, presque entièrement composée de jeunes membres des Premières Nations, compte Lashuanna Aster Vollant, Charles Buckell-Robertson, Marcorel Fontaine, Sharon Fontaine-Ishpatao, Marc-Olivier Gingras, Emma Rankin, Scott Riverin, Jean-Luc Shapatu Vollant, Étienne Thibeault et Alexia Vinci. Ce fut, pour la majorité d’entre eux, la chance de participer à leur premier projet théâtral professionnel. Sharon Fontaine-Ishpatao, interprète du personnage de Yammie (Naomi Fontaine), nous livre le texte avec une incroyable vulnérabilité et une honnêteté désarmante. « Il y a quelque chose de vraiment touchant dans le jeu de Sharon qui venait me chercher et qui me rappelait la jeune femme que j’étais », a mentionné Naomi Fontaine. De plus, on trouve un parallèle très intéressant dans la pièce, alors que le personnage de Yammie 24 ans, sur scène, se retrouve parfois confronté à la Yammie d’aujourd’hui, à qui Naomi prête sa voix.. Celle-ci jette un regard plus mature sur l’histoire et nous permet d’arriver à mieux cerner les intentions de la jeune femme. On peut voir ses réussites, ses échecs, ses failles et tout ce par quoi elle a dû passer pour se rendre où elle est aujourd’hui.
Un des éléments primordiaux de la pièce est le puissant lien, presque maternel, qui se construit et se solidifie entre l’enseignante et ses étudiants. Celle-ci tentera de leur enseigner, mais aussi de les accompagner dans différentes épreuves difficiles de la vie. « C’est ce que j’ai vécu avec les jeunes. Ils m’ont appris l’authenticité, d’être soi-même et de le rester à travers les épreuves », a-t-elle ajouté. Au fil du récit, on découvre aussi la communauté de Uashat, une communauté qui démontre parfaitement comment l’isolement peut devenir une force quand ses membres travaillent ensemble. On voit entre les élèves une grande solidarité ainsi que les aspects très culturels des communautés innues, que sont les idées du clan et de l’interdépendance.
Dès les premières représentations, la réponse a été incroyable. « On n’a peut-être pas changé la face du théâtre, mais je pense qu’on a réussi à changer beaucoup de perceptions que les Montréalais avaient. Puis maintenant, avec la tournée, ce sont les Québécois qui vont voir changer leurs perceptions par rapport aux Premières Nations, par rapport à ce que c’est un Innu aujourd’hui », a ajouté l’auteure.
Manikanetish est définitivement une pièce de théâtre à voir en 2024. Une histoire touchante, moderne et véritable qui permettra à tous de se reconnaître à l’adolescence. Si les spectateurs ne devaient retenir qu’une seule chose de la pièce, ce serait, pour l’auteure, la force des jeunes, la force d’être ce qu’ils sont. « Même au-delà de l’histoire, la force qu’ont ces jeunes, de se présenter devant des spectateurs, alors qu’ils n’ont, pour la plupart, que très peu d’expérience professionnelle. De dire : regardez, on va essayer de vous raconter une histoire de notre mieux, avec notre cœur, puis espérons que ça va se rendre ».
La pièce de théâtre Manikanetish sera présentée au Centre des arts Juliette-Lassonde le mercredi 14 février 2024. Cliquez ici pour vous procurer des billets.
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