Par Maxime Prévost-Durant | Le Courrier
Albertine en cinq temps, une pièce culte de l’auteur Michel Tremblay, a été jouée de bien des façons. Au théâtre ou même à la télévision, elle a marqué les esprits. Près de quarante ans après son écriture, voilà qu’on lui donne une nouvelle vie, cette fois sous forme d’opéra..
De la même manière que Tremblay a pu l’être avec ses écrits, la proposition est audacieuse. Au moment de sa création, c’était la toute première fois qu’un opéra allait être présenté en joual. Pour l’occasion, six chanteuses et cinq musiciennes donnent vie à cette histoire, à travers laquelle tout un chacun peut reconnaître sa mère, sa grand-mère ou même se reconnaître soi-même. « Albertine, on la porte tous et toutes en nous, même si ça fait près de 40 ans que Michel l’a écrite », souligne la metteuse en scène Nathalie Deschamps, qui est l’instigatrice de cet opéra nouveau genre.
D’abord présenté au Théâtre du Rideau Vert, Albertine en cinq temps, l’opéra sillonne maintenant les routes du Québec, démocratisant du même coup l’opéra auprès de nouveaux publics avec une oeuvre qui a été marquante dans la culture populaire. « C’était une des visées du projet au départ. On voulait offrir de l’opéra à différents publics, mentionne Mme Deschamps. Je crois que plus on entend de l’opéra, plus on peut l’apprivoiser et découvrir une relation très intime avec ce médium que l’on connaît moins bien que d’autres. »
Rappelons l’histoire. Albertine, une femme de 70 ans vivant dorénavant en CHSLD, se remémore différentes étapes de sa vie. À travers ses souvenirs, elle se rappelle la jeune femme passionnée qu’elle était à l’âge de 30 ans, la dépression qui l’a assaillie à 40 ans, le sourire qu’elle a retrouvé à 50 ans ainsi que le cynisme et la maladie qui l’ont habitée à 60 ans. Sa vie représente, en quelque sorte, l’archétype de la mère québécoise et catholique du milieu ouvrier. Plus que cela, elle symbolise toute une génération de femmes.
Sur scène, chacune des décennies de la vie d’Albertine est incarnée par une chanteuse. On y trouve Chantal Lambert (Albertine 70), Monique Pagé (Albertine 60), Chantal Dionne (Albertine 50), Florence Bourget (Albertine 40) et Catherine St-Arnaud (Albertine 30). Marianne Lambert complète la distribution en jouant et en chantant Madeleine. Elles unissent souvent leur voix à la manière d’un choeur, mais elles brillent aussi en solo et en duo lors de certains segments.
Dans cet opéra, le texte de Michel Tremblay a été adapté pour en faire des chants lyriques. Mais n’ayez crainte, l’essence « tremblayenne » est présente du début à la fin. Des phrases comme « J’suis la reine de la sandwich toastée » trouvent d’ailleurs leur place dans l’univers lyrique créé à partir de la pièce. « Michel est là tout le temps, c’est juste qu’on l’a structuré et reformulé en respectant ce qu’il avait fait », indique Nathalie Deschamps. Cette approche amène à jeter un regard nouveau sur cette oeuvre déjà bien ancrée dans la culture populaire. À travers la puissance des voix des six interprètes sur scène, ainsi que par les mélodies composées par la musicienne Catherine Major, l’opéra permet de faire ressortir toute la sensibilité et l’humanité qui se dégage de cette pièce. Le décor et les jeux de lumière ajoutent aussi à la poésie, tantôt de façon grandiose, tantôt de manière plus sobre et épurée.
Le spectacle Albertine en cinq temps, l’opéra sera de passage au Centre des arts Juliette-Lassonde le samedi 21 octobre 2023. Cliquez ici pour vous procurer des billets.
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